C’est rare que je partage publiquement mon opinion, mais je trouve qu’on perd beaucoup de temps avec les procès d’intentions et les statistiques sur le futur en éducation. Voici un de ces débats récents :
L’article comme tel ne me dérange pas tant. Qui peut de toutes façons prédire ce chiffre de façon exacte sans boule de cristal. Et qu’est-ce que ça change au final que ce soit 60 % plutôt que 70 % dans une question comme celle-là… Le but me semble avant tout de sensibiliser au fait qu’il faut former des élèves prêts à tout, ouverts et compétents. On s’en tape un peu, du chiffre exact : on n’est pas dans la science pure, on est dans la science humaine. Personnellement, dans ma maisonnée, c’est 100 % des métiers exercés qui n’existaient pas il y a 10 ans, et il n’y a que moi qui soit proche de l’« informatique »; Chéri est en construction, en efficacité énergétique plus précisément. On fait remonter la statistique?
Sauf que le partage de cet article dans le groupe Enseignants et enseignantes du Québec (voir la publication de M. François Lemay) a reparti dans ses commentaires – peut-être sans le vouloir! – le débat sur la nécessité ou non de vouloir changer la pédagogie, oui oui, le méchant changement en éducation. Je ne comprends toujours pas comment on peut se positionner contre cela!
- On ne peut nier que la société évolue;
- On ne peut nier l’existence de nouveaux outils extraordinaires pour l’apprentissage;
- On ne peut être contre la volonté de former des êtres capables de penser – et pour penser, il ne suffit pas d’accumuler une montagne de savoirs (et je me retiens de citer Montaigne).
Si on en était restés au « bon vieux temps » de ce Platon si souvent cité dans ce genre de débat, on n’utiliserait pas de livres, pas de crayons ni de papier, encore moins de couleur, et on transmettrait le savoir de façon orale, à sens unique du maître vers l’élève. Ce serait chic!
Je trouve en fait qu’on regarde tous dans une direction commune : celle de la réussite des élèves. Pourquoi doit-on créer des dissensions?
En pédagogie du changement (la pédagogie « machin machin », comme le dit quelqu’un dans la discussion sur Facebook), personne n’a jamais dit qu’il fallait tout arrêter et ne plus du tout enseigner de savoirs au profit du Dieu techno et des compétences transversales! On veut simplement adopter une approche différente, au coeur de laquelle se situe l’élève, actif, curieux et engagé dans son apprentissage. Pourquoi être contre ça? Non, je ne comprends pas.
Comme le disait récemment lors d’une conférence Ron Canuel, président de l’Association canadienne d’éducation (ACE), ce n’est pas vrai que c’était « donc ben mieux avant ». Les enseignants d’aujourd’hui font très bien et les élèves réussissent, différemment peut-être, mais ils réussissent. Les enseignants sont des professionnels : fions-nous à notre jugement et laissons aller ceux qui veulent changer.
« Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient! »
– Sagesse populaire fortement partagée sur les réseaux sociaux…!
Si on en revient au premier propos, soit la volonté de dénoncer les mythes en éducation, alors on a beaucoup de travail à faire puisque ceux-ci sont effectivement tenaces. En voici quelques-uns :
- À propos du cerveau : selon le chercheur en neuroéducation Steve Masson, aucune étude scientifique n’a jamais pu démontrer que :
- il faudrait adapter l’enseignement aux styles d’apprentissage pour favoriser la réussite des élèves (cela n’empêche pas cependant de vouloir les varier à l’occasion!);
- certaines personnes utiliseraient plus l’hémisphère droit (côté « artistique ») ou gauche (côté « logique ») de leur cerveau;
- les exercices de coordination amélioreraient les connexions entre les deux hémisphères du cerveau (Simon dit : touche ton nez! hihi!);
- le cerveau des femmes et des hommes serait différent (ici, je m’abstiens!);
- on n’utiliserait que 10 % de notre cerveau (ah les statistiques!);
- ne pas boire suffisamment d’eau réduirait la taille du cerveau (fiou, car je suis plutôt du type chameau).
- À propos des enseignants : selon le professeur de Harvard Pasi Sahlberg, c’est une erreur de croire que :
- le facteur le plus important pour améliorer la qualité de l’éducation est l’enseignant. (Ce sont plutôt des facteurs externes à l’école.)
- un enseignant ne peut compenser ses faiblesses par autre chose. (Il performera pourtant autant qu’un enseignant moyen si son capital social dans l’école est élevé.)
- la qualité d’un système éducatif ne peut excéder la qualité de ses enseignants. (Les meilleures conditions d’apprentissage sont rencontrées lorsque les enseignants travaillent ensemble et s’entraident.)
Il me semble qu’à côté de ces importants mythes (il en existe sûrement beaucoup d’autres), le fait que le chiffre de 70 % soit en fait peut-être 60 % est bien peu important…
Ceci dit, c’est mon opinion et je suis toujours bien curieuse de connaître celle des autres!
2 replies on “À bas le changement en éducation!”
Bonjour madame Miller.
Un ami commun m’a référé à votre blogue.
C’est François Lemay, enseignant et accessoirement conseiller politique de François Bonnardel, député de Granby. Si vous voulez me nommer, pas de gêne. Je dirais simplement qu’il est plus courtois de me mettre au courant.
Je ne suis pas l’auteur du texte, mais je juge utile de le mentionner puisque je suis le seul nom que vous mentionnez. D’autant plus qu’avec le titre sans équivoque de votre billet, on pourrait penser que je suis contre le changement, pire contre le progrès.
Pour faire court, le débat sur la pédagogie est plus qu’intéressant; il est nécessaire, primordial. Mais pour qu’il y ait débat, il faut des idées parfois contradictoires et surtout des faits avérés et vérifiables.
Vous avez ici une chronologie de cette prémisse (les emplois qui n’existent pas) https://teachingbattleground.wordpress.com/2015/05/27/a-myth-for-teachers-jobs-that-dont-exist-yet/
J’ai aussi parcouru le document de 1999 du département américain du travail qui est maintes fois cités, je n’ai malheureusement rien trouvé qui appuie, de près ou de loin, cette prémisse.
J’espère avoir un peu précisé le fonds de ma pensée sur le sujet.
Au plaisir de vous lire encore et quitte à me répéter, n’hésitez pas à me faire signe, j’aime bien les débats, surtout sur le progrès en éducation.
Amicalement.
François Lemay
Merci M. Lemay, un plaisir de vous lire! Effectivement, mes citations de gens dans ce billet portent à vous pointer, alors que vous n’avez que partagé un article, et que je me doute que vous n’êtes pas contre le changement en éducation… Mon but était que votre nom serve à retrouver la conversation dans la page FB puisqu’on ne peut y faire un lien direct. J’en ai plus contre les réactions en dessous de la publication et le détournement du sujet. Je vais tenter de préciser mon texte.